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Entretien avec le professeur AMSELEK : Écrits de philosophie du droit

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Entretien avec le professeur AMSELEK : Écrits de philosophie du droit
Couverture Ecrits de philosophie du droit
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L'ouvrage est paru le 14 janvier 2020 aux Éditions Panthéon-Assas

Les Éditions Panthéon-Assas, piliers de la recherche de l'université Paris 2 Panthéon-Assas, mettent en lumière, depuis 1998, les travaux des enseignants et docteurs issus de toutes les disciplines de l'université : droit, science politique, économie, gestion et sciences de l’information et de la communication.

Ce début d'année 2020 est marqué par la parution d'un ouvrage hors collection : Écrits de philosophie du droit, du professeur Paul AMSELEK. Ce recueil rassemble l’essentiel de ses articles, de ses rapports ou de ses conférences issus du domaine de la philosophie du droit. Les approfondissements et éclairages apportés par le professeur concernent principalement les notions de normes et de règles au sein du droit, mais aussi de l'éthique et de la science. Dans son ouvrage, le professeur étudie également d'autres champs de la philosophie du droit, comme l'ontologie, la pragmatique, l'herméneutique et la théorétique juridiques.

À l'occasion de la publication des Écrits de philosophie du droit, le professeur se prête au jeu de l'interview et livre une analyse sur les thématiques qui y sont traitées.

Éditions Panthéon-Assas - Cet ouvrage rassemble une partie de vos conférences et articles. Qu’est-ce qui a motivé votre envie de les réunir et comment les avez-vous choisis ?

Paul Amselek - Cet ouvrage est le pendant, dans le domaine de la philosophie du droit, du recueil de mes travaux de droit administratif et de finances publiques publié en 2009 aux Éditions Panthéon-Assas sous le titre Études de droit public. Il répond pareillement à une suggestion qui m’a souvent été faite de rassembler des textes éparpillés dans de multiples revues ou ouvrages collectifs, parfois assez anciens et devenus difficiles – voire quasi impossibles – d’accès, et d’en faciliter ainsi la consultation. Mais, à la différence de ce précédent recueil, il ne s’agit pas seulement d’une compilation : en réunissant ces écrits parus entre 1968 et 2018, j’ai poursuivi le dessein de livrer aux lecteurs une pensée philosophique à l’œuvre, qui s’est progressivement et obstinément construite tout au long d’un demi-siècle, peu à peu affinée et approfondie de proche en proche, du terrain du droit à celui de l’éthique en général et même de la science. C’est justement le souci de laisser ainsi apparaître, aussi pleinement que possible, dans toutes ses démarches, ce cheminement de pensée, qui a inspiré mes choix : les vingt-huit études retenues sont, en quelque sorte, la radiographie de ce cheminement.

Quels sont les grands thèmes abordés et à quel public s’adresse votre ouvrage ?

Le principal thème abordé est celui de l’élucidation de ce qu’on appelle « le droit », c’est-à-dire les règles ou normes juridiques. L’ouvrage est fondamentalement axé sur un approfondissement de la notion même de règle, restée bien confuse à notre conscience. Il montre que les règles ne sont pas, comme on croit généralement, de pures et simples séquences de logos, qu’elles ne correspondent pas à un certain mode ou registre logique de pensée discursive (une pensée s’exprimant en devoir-être ou sollen) ; il s’agit de choses ou res, plus précisément d’outils mentaux constitués avec de la pensée, mais qui ne se réduisent pas à de la pensée, pas plus que les outils matériels ne se réduisent à la matière ou substance dont ils sont faits. Ces outils mentaux relèvent de la catégorie des étalons : leur vocation instrumentale spécifique est de donner, à ceux à qui ils sont destinés et qui auront à s’en servir, la mesure du possible, de la possibilité pour tel ou tel fait d’avoir lieu, d’advenir ; ils fonctionnent dans le monde intelligible de l’esprit selon les mêmes principes que les étalons matériels du monde sensible, même s’ils ne donnent lieu qu’à des opérations ou actes mentaux. L’ouvrage dégage ainsi les bases d’une théorie générale des règles qui a trop longtemps fait défaut. Cette théorie conduit à donner des éclairages tout à fait originaux et novateurs, non seulement à la philosophie du droit, mais également à la philosophie de l’éthique et à la philosophie de la science, qui partagent les mêmes fondamentaux puisqu’elles concernent, elles aussi, des règles ou « lois ». Ce livre devrait intéresser, en dehors des juristes aussi bien théoriciens que praticiens, notamment des juristes qui font du droit de façon somnambulique (comme Monsieur Jourdain faisait de la prose…), également les philosophes non juristes, ceux dont le champ de réflexion est la morale ou la science.

S’appuyant sur ces données de théorie générale mis en lumière, les écrits réunis dans ce recueil sillonnent tous les grands axes de la philosophie du droit : l’ontologie juridique (analyse, principalement à la lueur de la méthode phénoménologie de Husserl, des traits typiques qui constituent l’être du droit et des règles juridiques), la pragmatique juridique (dans le sillage de la speech acts theory anglo-saxonne, étude des actes de langage, au premier chef des actes d’autorité et des différents acteurs juridiques), l’herméneutique juridique (théorie de l’interprétation en droit, de ses modalités et du rôle des interprètes dans l’expérience juridique) et la théorétique juridique (théorie des diverses activités théoriques auxquelles le droit est, de par sa nature même, susceptible de donner lieu). 

Vous avez choisi de mettre en avant une citation d’Albert Einstein : « Tout doit être rendu aussi simple que possible, mais pas davantage ». Que vous évoque-t-elle ?

Les études contenues dans ce recueil portent sur des données ardues, abstraites par hypothèse, plus ou moins subtiles et malaisées à cerner comme à exposer. Le monde du droit est un monde particulièrement difficile à pénétrer, aux reliefs complexes, nuancés et souvent déroutants, par le fait même d’être logés pour l’essentiel dans le royaume de l’esprit, ce « royaume même de la dissimulation » ainsi que le qualifiait Paul Valéry. Mon souci a toujours été de tâcher d’« y voir clair » et de faire partager cette clarté de vue, de persévérer dans mes analyses jusqu’à éprouver, en accord avec les directives méthodologiques de la phénoménologie husserlienne, le sentiment – sans doute purement subjectif – d’une pleine élucidation ou « évidence » ne laissant subsister complaisamment aucune zone d’ombre. Mais clarifier des choses complexes ne veut pas dire, sous couvert de les rendre plus accessibles, en écorner le relief et en donner une vue tronquée, réductrice. Si l’obscurité ne doit pas être, comme trop souvent, un paravent à une capitulation de l’esprit devant l’effort d’approfondissements plus poussés, la fausse clarté du simplisme ne doit pas non plus n’être qu’une capitulation devant la complexité des modalités du réel. C’est précisément ce qu’exprime, dans son élégante sobriété, la formule d’Einstein.

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