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Retour sur la première master class de l’École de droit

École de droit
Retour sur la première master class de l’École de droit
Amphithéâtre master class de l'École de droit
Temps fort: 
Les participants ont débattu sur le fond d’un litige qui opposait liberté d’expression et d’information au droit au respect de la vie privée

Lundi 7 juin dernier se tenait la première édition de la master class de l’École de droit de l’université Paris 2 Panthéon-Assas, réunissant étudiants, avocats et magistrats, afin de débattre sur le fond d’un litige qui opposait la liberté d’expression et d’information du magazine Public, au droit au respect de la vie privée et à l’image d’une personnalité publique, en l’occurrence monsieur Yann MOIX. Suivant le principe de cet exercice, des élèves de l'École ont plaidé en appel une affaire déjà jugée en première instance, par le Tribunal judiciaire de Nanterre le 11 février 2021, qui avait débouté celui-ci de ses demandes.

Me Pierre PÉROT, avocat à la Cour, alumni de l’École et Georges LEBAUVY, étudiant en M1, plaidaient pour défendre les intérêts de Yann MOIX, tandis que Camille GOSSON et Emile LANSADE, étudiants en M1 et en M2, représentaient l’organe de presse. Le professeur Pierre-Yves GAUTIER tenait le rôle du ministère public. Mme Ségolène BALSAN, magistrat, présidait la Cour, assistée de Me Anne-Laure MOYA-PLANA et Me Florent DESARNAUTS, alumni de l’université.

L’audience fut une riche occasion de développer deux visions différentes de la liberté d'expression, du débat d'intérêt général et du respect de la vie privée d'un homme ayant fait état dans la presse de ses préférences amoureuses, « pour les femmes, jeunes et asiatiques ».

Me PÉROT et M. LEBAUVY ont soutenu que tout homme a droit au respect de sa vie privée, y compris lorsqu’il est un personnage d’une certaine notoriété. D’après M. LEBAUVY, les révélations antérieurement consenties par M. MOIX à un magazine de ligne éditoriale similaire, n’autorisaient pas Public à les utiliser pour assortir de légendes les photos reproduites.  M. LEBAUVY réfuta l’existence d’un débat d’intérêt général de nature à justifier les atteintes au droit fondamental, qu’il se rapporte à la vie privée ou à l’image, arguant de ce que la nature triviale de l’information et la fantaisie du support ne s’y rattachaient nullement.

Me. PÉROT insista sur l’inopportunité de la méthode du contrôle de proportionnalité adoptée par le jugement contesté : il a souligné les contradictions dans lesquelles se seraient empêtrés les premiers juges, lesquels ne devaient pas placer les droits en conflit au même niveau. Puis Me PÉROT demanda une sanction dissuasive en réponse à ce qu’il identifia comme une faute lucrative commise par Public, en réclamant que l’évaluation du préjudice corresponde aux bénéfices engrangés par le magazine.

Camille GOSSON soutint au contraire que les atteintes n’étaient pas caractérisées, au regard des renonciations de M. MOIX et de la banalité des clichés. À défaut, elle fit remarquer qu’elles se justifiaient par un débat d’intérêt général, dont elle exposa le premier versant : la structure du couple, fonction de l’ordre social et des rapports entre les individus.

Émile LANSADE prolongea l’audacieuse justification en insistant sur l’aspect humain et philosophique des questions de différence d’âge au sein du couple. Il plaida ensuite en faveur la méthode de la proportionnalité, affirmant qu’elle seule prend en compte l’altérité et la nécessité d’équilibre qui ordonne la vie en société. Il conclut, à titre subsidiaire, à l’inexistence du préjudice, l’absence de toute perte individualisée et concrète de M. MOIX par rapport à sa situation avant la publication, après avoir critiqué le raisonnement qui consiste à voir un préjudice dans la seule atteinte abstraite à un droit subjectif.

Professeur et étudiants de l'École de droit en robe

Les observations du ministère public portèrent sur le point de savoir s’il est pertinent d'écarter l'article 9 du Code civil, texte équilibré, conquis de haute lutte en droit français, au profit des précédents jurisprudentiels des juridictions nationales et européennes, mêlant case law et balance des intérêts. M. GAUTIER affirma que M. MOIX devait légitimement pouvoir espérer avoir droit au respect de sa vie privée malgré ses révélations volontaires (standard de « l’espérance légitime », forgé par la Cour de Strasbourg elle-même) et invita la Cour à infirmer le jugement de première instance.

Après un riche échange entre la Cour et le public présent, ceux-ci infirmèrent le jugement et tranchèrent presque à l’unanimité pour l’existence d’une atteinte à la vie privée et au droit à l’image de M. MOIX, mais ne lui accordèrent qu’un euro de dommages et intérêts, arrivant ainsi à l’équilibre que la Justice s’efforce de trouver chaque jour.