Aller à l'en-tête Aller au menu principal Aller au contenu Aller au pied de page
Accueil - Le tiers secteur en France et au Royaume-Uni : entretien avec les directeurs de l’ouvrage

Le tiers secteur en France et au Royaume-Uni : entretien avec les directeurs de l’ouvrage

Recherche
Le tiers secteur en France et au Royaume-Uni : entretien avec les directeurs de l’ouvrage
Le tiers secteur en France et au Royaume-Uni
Rubrique recherche: 
Regards croisés sur le déclin ou le perfectionnement de l’État-providence des deux côtés de la Manche, l'ouvrage est paru le 15 juin aux Éditions Panthéon-Assas

Les Éditions Panthéon-Assas, reflet de la dynamique de la recherche et de l’ouverture sur le monde de l’université Paris 2 Panthéon-Assas, ont à cœur de promouvoir les travaux universitaires et de faire dialoguer les cultures à travers leurs ouvrages.

Ce mois-ci, elles s’ouvrent à l’international et réunissent chercheurs britanniques et français dans un nouvel ouvrage Le tiers secteur en France et au Royaume-Uni : déclin ou perfectionnement de l’État-providence ?, paru le 15 juin 2021.

Les directeurs de l’ouvrage Michel BORGETTO, professeur émérite de droit public de l’université Paris 2 Panthéon-Assas, et Géraldine GADBIN-GEORGE, maître de conférences – HDR à l’université Paris 2 Panthéon-Assas, nous livrent une présentation éclairante de leur ouvrage à travers ces quelques réponses.

Tout d’abord, revenons sur quelques notions clefs de l’ouvrage. Quelles seraient vos définitions du « tiers secteur » et de l’« État-providence » ?

En première approche, le tiers secteur pourrait se définir, un peu à l’image du tiers état en France, lequel se présentait jadis comme n’étant ni la noblesse ni le clergé, de manière négative, c’est-à-dire comme n’étant ni le secteur privé à but lucratif, ni le secteur public sous emprise étatique. Mais si l’on entend être plus précis et définir le tiers secteur de manière positive, c’est-à-dire à partir de ce qu’il est et non de ce qu’il n’est pas, les choses se révèlent plus complexes dans la mesure où, son périmètre étant en constante évolution et n’étant toujours pas, à ce jour, véritablement stabilisé, les définitions varient d’un pays et d’une période à l’autre ; néanmoins, on peut tenter de cerner ses contours et soutenir qu’il recouvre l’ensemble des activités économiques développées par différents acteurs (associations, coopératives, mutuelles, etc.) selon les principes de l’économie sociale (primauté de l’humain sur le capital, finalité d’intérêt général et/ou d’utilité sociale, patrimoine collectif et impartageable, etc.).

Quant à l’État-providence – que ce soit en France ou au Royaume-Uni, puisque l’ouvrage est centré sur ces deux États –, il peut se définir de manière extensive ou, au contraire, restrictive.

Dans une conception extensive, il renvoie à l’ensemble des interventions économiques et sociales d’un État (protection sociale, mais aussi réglementation des rapports de travail, services publics tels que l’éducation ou la culture, politiques de soutien des revenus, de l’activité, etc.) destinées à assurer un certain niveau de sécurité et de bien-être à l’ensemble de la population : l’État-providence étant alors synonyme (formule qui lui est parfois préférée en raison de son caractère englobant) d’« État social ».

Dans une conception restrictive (au demeurant, assez largement dominante en France et, dans une moindre mesure, outre-Manche), il renvoie pour l’essentiel aux seules interventions de l’État en matière de protection sociale : interventions qui, fondées sur un principe de solidarité entre tous les membres de la société, ont une visée de redistribution des richesses en même temps que de protection contre un certain nombre de risques ou de charges (accidents du travail, santé, vieillesse, chômage, famille, etc.) pouvant affecter tout un chacun au cours de sa vie. Dans cet ouvrage, qui a placé en son centre la question de savoir si l’essor du tiers secteur doit se lire comme la marque d’un déclin ou au contraire d’un perfectionnement de l’État-providence, c’est sans nul doute à cette conception restrictive que les auteurs ont entendu le plus souvent se référer.

Votre ouvrage a été écrit durant la crise sanitaire liée à la Covid-19. En quoi, et dans quelle mesure cette crise révèle-t-elle le rôle et la place du tiers secteur ?

Notre réflexion a commencé avant la crise sanitaire liée à la Covid-19, dans le cadre d’une autre crise alors latente correspondant à la période de transition du Brexit. Nous souhaitions comparer l’État-providence en France et au Royaume-Uni, apparu dans ces deux pays à une époque similaire, en évaluant l’impact que les politiques publiques, notamment économiques et sociales, qui y étaient menées avaient ou pouvaient avoir sur lui. Il s’agissait de mettre en lumière le rôle et la place du tiers secteur des deux côtés de la Manche, et ce au moment crucial – en raison de toutes ses implications en matière d’évolution de la société – où le Royaume-Uni quittait l’Union européenne. Mais avec la pandémie, la crise du Brexit a presque été occultée par la crise sanitaire, laquelle a montré la force mais aussi les limites des États-providence français et britannique : le système public hospitalier – pour n’évoquer que lui – ayant été un moment débordé par la Covid, en dépit des efforts remarquables déployés par les professionnels de santé. Les tiers secteurs français et britannique (on songe en particulier, mais pas seulement, aux bénévoles d’associations) sont intervenus pour venir en aide aux plus vulnérables et faire face à la montée rapide de la pauvreté et de la précarité. Tout cela s’est fait de façon spontanée et a puissamment contribué, on ne le soulignera jamais assez, à amortir le choc de la crise. Les associations, notamment, ont joué un rôle de maillons sociétaux entre les individus, le secteur privé et le secteur public. Ainsi, le tiers secteur s’est révélé être un acteur important et souvent méconnu de nos sociétés dans lesquelles le concept d’État-providence est en évolution constante. Il a démontré qu’il peut aider à remédier à certaines lacunes, limites ou insuffisances des deux autres secteurs, notamment si ceux-ci sont prêts à collaborer avec lui.

Cet ouvrage réunit les contributions d’auteurs venus d’horizons scientifiques mais également géographiques différents. Selon vous, qu’apporte cette diversité de profils à l’analyse ici présentée ?

En effet, nous avons eu le privilège de réunir un nombre similaire de contributions couvrant, d’une part, la France et, d’autre part, le Royaume-Uni. Les auteurs viennent d’horizons différents, faisant de cet ouvrage un exemple d’interdisciplinarité rassemblant les points de vue de juristes, sociologues ou politologues qui, chacun, ont abordé la question du tiers secteur par un prisme spécifique. Pour une meilleure lisibilité de l’ouvrage – et pour mieux apprécier l’aspect comparatiste de la situation des deux côtés de la Manche – nous avons également fait traduire en français les six chapitres initialement écrits en anglais. Certaines contributions font état d’expériences pratiques en cours ou très récentes menées sur la façon d’optimiser le tiers secteur en vue du maintien, du rétablissement ou du développement de l’État-providence. La diversité des horizons scientifiques des auteurs fait de cet ouvrage un outil précieux laissant entrevoir tout le potentiel du tiers secteur, et notamment sa capacité à pallier les éventuelles carences de l’État-providence et/ou à œuvrer à son amélioration et ce, dans des domaines très divers. En cette période charnière où le Brexit laisse transparaître les dissensions politiques et économiques qui peuvent exister entre la France et le Royaume-Uni, et où la crise sanitaire n’a pas encore révélé toutes ses conséquences sur le plan économique et social, les auteurs ayant contribué à cet ouvrage ont pu ainsi mettre en lumière la similitude d’approches qu’ont les deux pays s’agissant aussi bien du rôle décisif susceptible d’être joué par leur tiers secteur respectif que des valeurs que ceux-ci ont en partage et entendent plus que jamais promouvoir.

Retrouvez cet ouvrage en librairie dès à présent.