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Philosophie du droit M (1412)

Code interne : 1412
Responsable(s) :
Programme de cours :

(novembre 2017)

Pour éclairer l'objet de ce cours, on se servira d'une célèbre distinction empruntée aux Premiers principes métaphysiques de la doctrine du droit de Kant. Dans la partie introductive de cet ouvrage, et plus particulièrement dans celle introduisant à la Doctrine du droit proprement dite, en effet, l'auteur distingue deux questions susceptibles de se poser à propos du droit : « Quid sit juris ? »  - « Was Rechtens sei ? », « Qu'est-ce qui est de droit ? » -, d'une part, « Quid jus ? » - « Was ist Recht ? », « Qu'est-ce que le droit ? -, d'autre part. La premièreconsiste à rechercher ce qu'édictent les lois en un certain lieu et à une certaine époque ; la seconde conduit à délaisser un moment les lois positives, pour se demander si ce qu'elles prescrivent est juste et, corrélativement, quel est le critère universel - s'il en est un - auquel on peut reconnaître le juste et l'injuste.

Durant leurs années de licence en droit, les étudiants ont surtout été instruits dans la connaissance de « ce qui est de droit », c'est-à-dire du droit positif, même si un certain nombre de notions générales leur ont été enseignées dans les cours d'Introduction à l'étude du droit et de droit constitutionnel de première année, notamment. Le cours de philosophie du droit convie les étudiants à une réflexion désormais axée sur « ce qu'est le droit », au sens où Kant entendait l'expression. La question, à dire vrai, renferme une double problématique.  Il s'agit, tout d'abord, de se demander s'il existe une essence du droit, un juste en soi, par-delà la diversité des droits positifs, ou bien si le droit, pour reprendre une métaphore de Montaigne dans les Essais (livre II, chap. XII « Apologie de Raymond Sebon »), n'est que « cette mer flottante des opinions d'un peuple ou d'un prince ». Il s'agit, ensuite, d'examiner en quoi cette essence peut bien consister, à supposer son existence avérée et sa connaissance possible.

A la distinction entre les questions « Qu'est-ce qui est de droit ? » et « Qu'est-ce que le droit ? » correspond une répartition des compétences entre le juriste et le philosophe, que Kant expose dans son opuscule Le conflit des facultés. Selon Kant, en effet, le rôle du juriste se limite à  étudier et à connaître en pratique le droit positif, tandis que la recherche de l'essence du juste, la théorie juridique (cf., toujours de Kant, l'opuscule Sur l'expression courante : il se peut que ce soit juste en théorie, mais en pratique cela ne vaut rien), est du ressort exclusif du philosophe. De fait, conformément à l'étymologie du terme - le verbe èåùñåí signifie observer, contempler, en grec -, une théorie implique nécessairement un point de vue extérieur à l'objet qu'elle se donne pour mission d'observer. Le droit ne saurait donc, à lui seul, fournir les bases de sa systématisation, comme le souligne, par exemple, Michel Villey (Leçons d'histoire de la philosophie du droit, chap. 1er). L'étude de ces bases relève d'une autre discipline, hiérarchiquement supérieure au droit, « architectonique » au sens aristotélicien du terme, la philosophie.

 

Ainsi la question « Qu'est-ce que le droit ? » ne saurait-elle être envisagée séparément d'une vision de la totalité telle que la philosophie l'implique - d'une Weltanschauung, pour reprendre un terme allemand. Quelle que réponse qu'on y apporte ou que même on renonce à y répondre, cette question est métaphysique : il serait illusoire de prétendre la traiter par le seul recours à l'expérience induite du droit positif. La philosophie du droit se présente donc bien comme une branche de la philosophie générale : on ne peut comprendre la philosophie du droit de Platon, de Kant ou de Hegel, par exemple, que si on est instruit, fût-ce sommairement, dans le système de pensée global de ces auteurs.

Le cours de philosophie du droit se propose modestement d'initier les étudiants à la compréhension de philosophies qui ont exercé une influence importante sur l'idée que les juristes se font de leur discipline : la sophistique, le platonisme, l'aristotélisme, les scepticismes, les philosophies hellénistiques et tout particulièrement le stoïcisme, la philosophie hobbesienne, la philosophie critique. Cette initiation se fera notamment au moyen de l'étude de textes philosophiques et d'un dialogue entre l'enseignant et les étudiants.