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L’ANR soutient le projet « Cryptographie dans un monde quantique » porté par le CRED

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L’ANR soutient le projet « Cryptographie dans un monde quantique » porté par le CRED
Photo d'écran d'ordinateur avec algorithme de Shor
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Céline CHEVALIER, maître de conférences en mathématiques, a obtenu un financement pour quatre années

L’Agence nationale de la recherche (ANR) a accordé un financement pluriannuel à Céline CHEVALIER, membre du CRED, pour mener à bien l’ambitieux projet « CryptiQ » ayant pour objet d’étudier différentes problématiques de cryptographie dans la perspective de l’avènement d’un monde quantique. Elle va, pour ce faire, étudier trois modalités possibles.

Mais, tout d’abord, quelques éléments de contexte et de définition. La cryptographie permet de proposer des moyens pour permettre à deux individus d’échanger des données sans que celles-ci puissent être déchiffrées par une troisième partie. Depuis une quarantaine d’années, deux théories cryptographiques reposant sur des algorithmes sont à l’œuvre parallèlement : la cryptographie symétrique, plus ancienne, et la cryptographie asymétrique, qui renouvelle en profondeur les perspectives de cette discipline. Dans le cas de la première, les deux interlocuteurs possèdent la clef pour chiffrer et déchiffrer les données transmises. Dans le second cas, seul le récipiendaire des données possède la clef pour déchiffrer les données transmises par le premier individu, qui se contente de les déposer dans un outil permettant le chiffrement. À l’heure actuelle, les deux théories sont combinées pour renforcer la sécurité des communications. Bien évidemment, les individus souhaitant intercepter les données (« attaquants ») utilisent les moyens techniques à disposition aujourd’hui. Mais un saut technologique est – théoriquement – franchi avec les ordinateurs quantiques. Ces ordinateurs sont des machines dont la puissance de calcul rend nos ordinateurs archaïques – on pourrait les comparer de la manière suivante : l’ordinateur basculant dans une perspective quantique équivaut à l’invention de la roue. Les problématiques de communication quantique appliquées à la cryptographie ont été théorisées dès 1984 par Charles Bennett et Gilles Brassard. En 1999, Peter Shor, dans un algorithme fondateur pour la cryptographie moderne, a au contraire montré comment utiliser le calcul quantique pour casser des hypothèses mathématiques usuelles en cryptographie. Ceci créerait de graves problèmes de sécurité lors de la transmission des données, même si cinq hypothèses mathématiques résisteraient, a priori, au monde quantique. Ces deux aspects sont l’objet des recherches de CryptiQ.

À cet effet, trois scénarios généraux sont proposés, déclinés à chaque fois pour modéliser des problèmes variés et proposer des constructions les vérifiant. Le premier s’inscrit dans la cryptographie post-quantique – nom trompeur, car il s’agit en fait de caractériser les algorithmes actuels résistant aux ordinateurs quantiques. Il part du principe que les interlocuteurs n’utilisent pas d’outils de communication basés sur la physique quantique, quand les attaquants peuvent avoir accès à des dispositifs quantiques. Le deuxième est celui qui sera le plus approfondi dans le projet : il s’agit d’une vision hybride où les ordinateurs quantiques n’existent pas, mais des boîtiers de distribution de clefs (qui existent à l’heure actuelle et sont, par exemple, déployés en Chine) sont à la disposition de tous, interlocuteurs et attaquants. Enfin, la troisième hypothèse imagine un monde pleinement quantique, où tous ont accès à des ordinateurs quantiques. Ce temps est plus lointain et incertain, car la théorie quantique se heurte à de nombreux problèmes physiques. En effet, l’information quantique n’est plus stockée sous forme de bits (des 0 et des 1), mais sous forme de qubits (superposition de bits, qui doivent être mesurés pour renvoyer 0 ou 1 avec une certaine probabilité). Les systèmes les plus aboutis utilisent des photons polarisés. Des expériences ont été réussies, mais de nombreux problèmes pragmatiques se posent encore pour parvenir à un ordinateur quantique mis à la disposition de tous. Par exemple, on ne peut pas dupliquer un qubit (d’après les lois de la physique quantique) et l’on sait encore difficilement les stocker ou les transmettre sans erreurs.

L’on perçoit donc bien que les enjeux du projet CryptiQ, s’ils s’inscrivent dans des perspectives théoriques dont la résolution est envisagée à moyen terme, sont toutefois ancrés dans une réalité qui, dès aujourd’hui, a des effets perceptibles par tout un chacun. C’est dans cette perspective d’ailleurs que l’Institut national des normes et de la technologie (NIST), organisme américain de normalisation de la cryptographie mondiale, lance régulièrement des concours dans l’esprit duquel s’inscrit CryptiQ, et dont les résultats servent à standardiser les protocoles utilisés quotidiennement par des millions de personnes, sur internet principalement, par exemple lors de transactions sur des sites marchands. L’avènement de la deuxième révolution quantique, qui est marquée par notre aptitude approfondie à manipuler des systèmes quantiques, nécessite de développer encore notre connaissance de ces problématiques en les appliquant à la cryptographie, afin de sécuriser les milliards de données échangées quotidiennement.